Du daguerréotype à l'explosion de la photo-carte
Dès son apparition, la photographie s’est centrée sur le portrait, engageant une rivalité avec le portrait peint, qui jusqu’alors assurait la représentation de l’individu. La peinture, par son coût, s’adresse exclusivement aux classes sociales privilégiées. Les publicités de l’époque insistent volontiers sur l’aspect moins dispendieux de la photographie, tout en proposant une ressemblance du modèle jamais égalée. L’invention de Daguerre se diffuse rapidement, des ateliers ouvrent dans les grandes villes, des opérateurs itinérants viennent régulièrement opérer à Roanne. Comme partout ailleurs, le portrait sera à Roanne l’usage majeur de la photographie.
Les premiers portraits roannais connus sortent de l’atelier de Maria Chambefort : ce sont sont des daguerréotypes réalisés sans doute vers 1850. Coûtant de 10 à 20 francs, ces photographies ne restent accessibles qu’à une classe bourgeoise relativement fortunée.
L’apparition au milieu du siècle du collodion humide permettant la production d’un négatif sur plaque de verre se révèle être une avancée déterminante pour la photographie en ouvrant l’ère du tirage multiple. Issus directement de cette évolution technique, apparaissent ensuite divers procédés mettant en œuvre des négatifs sur verre, sur papier voire sur métal. L’invention de la carte de visite mise au point par Disdéri en 1854 transforme fondamentalement la production du portrait photographique et génère l’ouverture de nombreux ateliers à partir de 1860. La diminution des coûts de production, les améliorations techniques, l’organisation de la fabrication, l’émergence d’une politique commerciale incisive sont autant de facteurs qui assureront un succès indéniable à ce support jusqu’aux débuts du 19ème siècle. La photo-carte de visite devient un véritable phénomène de société, répondant aux besoins de reconnaissance sociale d’une petite et moyenne bourgeoisie portée par l’essor industriel.
De nombreux ateliers ouvrent entre 1870 et 1890 à Roanne, dont l’activité se concentre sur les portraits. Le succès touche l’ensemble de la population, les tarifs sont attractifs. Le portrait change de place : décroché du mur, il s’échange entre les membres de la famille ou les amis, et se collectionne dans des albums. Dès lors, les principales étapes de la vie se trouvent véritablement consignées comme autant de « rites de passage » sociaux : naissance, communion, service militaire, mariage, décès.
L’apparition d’appareils à main, remplaçant les chambres à soufflet sur pied, voit l’élan et le développement à la fin du XIXe siècle de la photographie amateur, qui reste tout de même l’apanage d’une classe aisée. Il faudra attendre les années 1930 pour constater une véritable vulgarisation de la pratique photographique avec le procédé au gélatino-bromure d’argent. Le portrait sort du studio et devient moins conventionnel, se pratique en famille, l’entourage sert alors de modèle et les portraits sont plutôt des tranches de vie, saisies au vol lors d’évènements familiaux et intimes.
Les âges de la vie : le service militaire
Soldat du 98ème régiment d'infanterie
Photo-carte de visite du photographe Elie Feugère

