De tous les animaux, je suis sans doute celui que vous avez le plus observé et auquel vous avez consacré le plus grand nombre de traités. Pas étonnant au regard de la relation que nous entretenons depuis plus de 7 000 ans. Au cours de nos aventures, vous vous êtes rendu compte que mon efficience dépend de mon état de santé. C'est pourquoi j'ai tôt fait l'objet de soins.
La médecine vétérinaire en tant que telle n'existe que depuis le XVIIIe siècle avec l'ouverture par Claude Bourgelat, écuyer et chef de l’Académie d’équitation de Lyon, de la première "École pour le traitement des maladies des bestiaux". Cependant, compte tenu du rôle central que je joue dans la marche du Monde, ma santé est au cœur de toutes les attentions depuis au moins l'Antiquité. En effet, les Grecs et les Romains ayant accumulé de nombreuses connaissances médicales, développent rapidement une science qui m'est propre : "l'hippiatrie".
Par la suite, c'est au Moyen-Orient que l'on trouve une littérature novatrice, synthèse de l'ensemble des connaissances à mon sujet : le Furusiyya. Ce recueil, diffusé à partir du VIIIe siècle auprès de la noblesse de Constantinople, Bagdad ou Alexandrie, constitue la quintessence de la médecine équine de l'époque. Jusqu'à la Renaissance, malgré la multiplication du nombre de traités hippiatriques en Occident, on me soigne beaucoup à l'aide de décoctions, formules magiques et autres poudres miraculeuses. L'apparition d'œuvres majeures comme le De medicina Equorum, de Jordanus Rufus, le Traité du Maréchal de Jacques de Solleysel et surtout l'organisation des premières dissections équines au XVe siècle, permet à la discipline de faire un bond.
Avant l'apparition de l'enseignement vétérinaire, ma santé dépendait d'une seule profession : celle des maréchaux. Cette corporation s'occupait de tous les soins, qu'ils soient curatifs ou préventifs, comme ceux consistant à appliquer des fers sous mes sabots !
Désormais, on me confie aux mains expertes des vétérinaires et on ne parle plus d'hippiatrie mais de médecine équine. Les progrès scientifiques survenus au cours du XIXe siècle ont mis au rebut la première. Le développement de l'élevage, notamment celui des chevaux de course, participe de ce désamour. Les éleveurs confrontés à des pathologies touchant des chevaux hors de prix ne peuvent se permettre de dépendre d'une discipline trop empirique.
Si la médecine vétérinaire a fait des progrès considérables, elle est décriée par certains de nos maîtres qui la trouvent trop chimique. On me soigne désormais par des médecines "alternatives" incluant l'acupuncture, l'homéopathie, l'ostéopathie ou la phytothérapie. Bien loin des remèdes de cheval !
Petits métiers chinois - Le maréchal-ferrant
Correspondance Claude Dethève, Carte postale, R. Tillot, s.d. (Cpdt 24)