Techniques des matériaux

Lier-relier tisse du lien entre l'histoire de la reliure et la technique des matériaux. 

Entre peau et cuir

Du IIe au XVIIIe siècle, le cuir est le seul matériau utilisé pour habiller et protéger les couvertures des reliures. Pouvant être depuis remplacé par le textile, le papier, le bois ou des matières plastiques, il reste aujourd’hui une prédilection synonyme de luxe.

Le cuir est réalisé à partir de la peau de n'importe quel mammifère, reptile, oiseau ou poisson grâce au tannage, procédé connu en Chine dès 3000 avant J.-C. Il s’agit d’une longue succession d’opérations afin de la rendre utilisable et imputrescible.

La peau est avant tout débarrassée des poils et de la chair avant d’être longuement trempée dans un bain de sel de chrome ou de tanins végétaux. C'est par cette opération qu'elle devient cuir. Après avoir été séché et aminci, il est teinté par des colorants à l'aniline. Viennent ensuite les finitions durant lesquelles il est grainé ou non, assoupli, satiné, raciné…

Les établissements travaillant les peaux de bovins sont des tanneries tandis que ceux traitant les peaux de caprins et d'ovins sont des mégisseries.

Les cuirs les plus utilisés en reliure sont la basane (mouton), le chagrin (chèvre), le veau et le parchemin (tannage de n'importe quelle peau à la chaux). D'autres cuirs sont plus rares tels le buffle, le box (veau aspect brillant), le velin (veau mort-né), le saumon. Enfin certains sont fantaisistes comme le galuchat (raie), l'autruche, le serpent mais aussi la grenouille, l'estomac de mouton, les pattes de coq…

Le relieur fait son choix parmi eux en fonction de leurs particularités esthétiques (veiné, granité, lisse, décoré…) et techniques (rigidité, souplesse, perméabilité…). Il doit, avant d'en couvrir le livre, parer les morceaux de cuir débités, c’est à dire les amincir au couteau, longue et délicate opération.

Le papier marbré

La marbrure est une technique de décoration du papier consistant à faire flotter des couleurs sur un bain semi-liquide puis à les transférer sur une feuille de papier en la déposant à la surface de celui-ci. « Il n’y aura que l’habitude, l’expérience et l’adresse qui apprendront [..] » cet art, comme indique l’article Papier marbré de l’Encyclopédie Diderot et d’Alembert. L’appellation se veut être une évocation visuelle des veines du marbre.

Si certaines sources attestent l’existence de ce savoir-faire en Chine dès le Xe siècle, d’autres affirment qu’elle voit le jour au Japon au XIIe siècle. Elle y porte le nom de suminagashi qui signifie littéralement encre qui flotte sur l'eau en mouvement. Les feuilles ainsi décorées servent alors de support à la calligraphie et ce durant plusieurs siècles.

Empruntant la route de la soie, les papiers marbrés et leur technique arrivent en Europe au XVIe siècle mais ne sont utilisés en reliure qu’à partir du siècle suivant. Ils se posent uniquement en page de garde à l’intérieur du livre, les couvertures se parant de cuir. Il faut attendre le XIXe siècle et l’apparition de la demi-reliure pour qu’ils décorent les plats.

Le parchemin

Le parchemin est un procédé de tannage de la peau. Il est généralement réalisé à partir de chèvre ou de mouton. Sa fabrication la plus luxueuse, nommée vélin, utilise le veau mort-né.

Originaire de Pergame (Anatolie), il fut employé à partir du IIe siècle av. J.-C. comme support de l’écriture en remplacement du papyrus, avant d’être lui-même substitué par le papier au XIVe siècle.

Le traitement de la peau à la chaux vive, lui conférant sa blancheur et son opacité caractéristiques, permit l’écriture recto-verso.

Sa texture particulière, uniforme et grasse, offrait la possibilité de gratter un écrit afin de le remplacer par un autre, le parchemin prenant dans ce cas-là le nom de palimpseste.

Grace à sa rigidité et la possibilité de le plier, naquit aux environs du IIe siècle, le livre rectangulaire (codex) succédant à l’antique rouleau de papyrus (volumen).

Le parchemin fut et reste utilisé pour couvrir les reliures. Son travail n’est pas aisé car il peut avoir des réactions surprenantes. Extrêmement sensible à l’hygrométrie, il gondole à l’humidité et se rétracte à la chaleur. Ce phénomène provoque dans le temps, des tensions sur les cartons des reliures anciennes et leur déformation irrémédiable.

Le papier dominoté

À partir du XVIIIe siècle, au vu du nombre sans cesse croissant de livres imprimés, il n’est plus possible de tous les relier en cuir. Certains ne sont alors que brochés, c'est à dire cousus et recouverts d’une feuille de papier dit dominoté. Ce dernier est réalisé à partir d’une planche de bois gravée puis imprimée à l’encre noire. La mise en couleurs se fait au pochoir ou au pinceau d’où parfois un léger décalage entre le motif décoratif et la couleur.

La dominoterie, apparue au XVIe siècle, sert en premier lieu à diffuser des images didactiques à un public illettré. Déclinant des motifs géométriques ou floraux, elle va également s’appliquer à la décoration des murs et des objets jusqu’à la disparition de son utilisation vers 1830. Actuellement moins d’une dizaine d’artisans poursuivent ce savoir-faire en France.

Les cabochons

Au Moyen-Âge, le livre est un objet rare réservé aux monastères.

Il est manuscrit et enluminé sur du parchemin avant d’être relié. Des ais de bois recouverts de peaux constituent les plats.

De par sa taille imposante et son lourd poids, il n’est pas rangé verticalement mais horizontalement dans des casiers en bois. Afin de protéger la couverture d’éraflures lors des manipulations, d’imposants clous sont fixés sur celle-ci. Ceux des coins prennent pour nom cabochon, celui du centre ombilic.

Leur utilisation disparait au XVIe siècle avec le changement de taille du livre induit par les inventions du papier et de l’imprimerie.