Histoires singulières

Lier-relier tisse du lien entre l'histoire de la reliure et des histoires singulières.

La communauté du livre

Durant le Moyen-Âge, le livre est un objet rare et précieux dont la réalisation est essentiellement exécutée au sein des monastères par les moines copistes pour le texte, enlumineurs pour les illustrations et lieurs pour la reliure.

L’invention de l’imprimerie vers 1454 et la démocratisation du livre en découlant entraînent peu à peu l’ouverture d’ateliers privés concentrant l’art de fabriquer les livres à la façon de l’organisation monacale. Imprimeurs/éditeurs, relieurs/doreurs et libraires sont regroupés en une communauté unique, celle du livre. Même si chaque spécificité est sanctionnée par une formation octroyant une maîtrise, chacun est libre d’exercer celle de l’autre. Ainsi la confusion et les prérogatives au sein des ateliers sont sources de discordes et malgré différents édits royaux tentant des conciliations, le 7 septembre 1686, Louis XIV finit par ordonner la séparation de la confrérie. Les artisans ont alors un mois pour choisir d’exercer le métier de relieur/doreur ou celui d’imprimeur/libraire.

Le nouveau règlement de la Communauté des relieurs et doreurs est rédigé en 17 articles consacrés tant à l’organisation de la profession qu’à des précisions techniques sur le travail. De plus, un des articles précise que les injures professées à l’encontre des imprimeurs/libraires sont interdites et passibles d’amende et de punition exemplaire.

Les armoiries

L’utilisation des armoiries apparait au XIIe siècle au sein de la chevalerie. L’équipement militaire rendant impossible l’identification des chevaliers, ceux-ci peignent des marques distinctives sur leurs boucliers.

Cette pratique de personnalisation se diffuse dans l’ensemble de la société (aristocratie, bourgeoisie, corporation, communauté…) et sur de nombreux supports.

Codifiées afin de permettre une lecture rapide, les armoiries comprennent l’écu (le support), les armes (désignant la personne, la famille), parfois un monogramme (initiales entremêlées) et les ornements extérieurs (donnant une indication : couronne, collier d’ordre…).

Les armoiries prennent place sur les reliures à partir de la Renaissance. François Ier est le premier à faire apposer de façon systématique ses armes sur les ouvrages de sa bibliothèque. Cette pratique se généralise à la fin du XVIe siècle pour devenir courante.

Dorées à chaud au fleuron ou à la plaque, la plupart du temps au centre des plats, parfois sur le dos, elles peuvent être placées seules ou dans une composition complexe.

Signer sa reliure

« Euphronios a peint », « Michel-Ange Buonarroti le Florentin l’a fait », un poinçon en orfèvrerie, une estampille en ébénisterie, un monogramme, des initiales ou un symbole… Signer son œuvre artistique se fit parfois, se généralisa à partir du XVe siècle avant de devenir systématique au XVIIIe siècle avec le développement du marché de l’art.

Cette pratique n’échappe pas aux relieurs dont les plus anciennes signatures connues datent de la fin du XVe siècle.

André Boule, qui exerce dans les années 1500 à 1523, mentionne ses nom et prénom sur les couvertures, en dessous des décors représentant des scènes religieuses. Les inscriptions sont des empreintes de bois gravé pressé sur le cuir humide.

Quelques années plus tard, les frères Arnoul et Charles L’Angelier utilisent la feuille d’or et une plaque de métal gravée chauffée pour apposer sur le plat recto de leurs reliures leur marque facilement reconnaissable ; deux anges liés par une cordelette agenouillés devant le Christ entouré des initiales de l’un ou de l’autre relieur.

Par la suite les signatures se font plus discrètes et prennent place à l’intérieur de la reliure, au dos du plat recto ou verso. Généralement dorées à chaud, elles indiquent avec sobriété le nom de l’artiste.

Le secteur patrimoine des médiathèques de Roannais-agglomération compte de nombreuses reliures arborant la griffe de leur créateur. Au nom d’André Boule et de Charles L’Angelier s’ajoutent ceux de Pierre Lortic, Vagner, Yvonne Montet, Jean de Gonet, Anne Giordan, Isabelle Rollet ou encore celui du mystérieux Maître à la rosette

Les agents de dégradation

En plus d’assembler le livre, le rôle d’une reliure est de le protéger. Elle n’est cependant pas inaltérable et connaît de nombreux agents de dégradation classables en quatre catégories.

• L’environnement :

La lumière composée de rayons provoque le raccourcissement des chaines moléculaires engendrant jaunissement et pâleur des couleurs.

Le lien entre la température et l’humidité relative influe sur la sécheresse cassante ou l’hydrolyse des matériaux.

La pollution gazeuse ou solide crée des dépôts porteurs de salissures, de spores et d’acidité.

Les sinistres tels les incendies et les inondations engendrent des dégâts difficilement réversibles.

• Les bactéries et animaux :

À partir de 22°C et 65% d’humidité, des champignons sont à même de s’ancrer et proliférer sur les matériaux en s’en nourrissant tout en les tâchant.

Les insectes du genre poissons d’argent, vrillettes, termites et blattes creusent des galeries tant dans le livre que dans les couvertures.

Les souris et rats, friands de papier et de carton, détériorent les documents par rongement.

• Les matériaux de mauvaise qualité :

La principale problématique est l’acidité, celle des papiers bois, des cuirs mal tannés, des colles ou encore des encres au gallo-tannate de fer. Elle provoque jaunissement, friabilité et pulvérulence.

• Les malfaçons et les mauvaises manipulations :

Réaliser une reliure consiste en une succession d’opérations découlant les unes des autres dont la mauvaise exécution est susceptible d’engendrer des fragilités ainsi qu’une mauvaise conservation du livre.

Des manipulations maladroites et des réparations hasardeuses sont également sources de méfaits pour l’ensemble de l’ouvrage.