Sur les ailes de Pégase

Si ma personne a été abondamment exploitée dans l’Art, elle prédomine également dans un autre domaine de la pensée humaine : la Mythologie. Sans doute parce que vos ancêtres pensaient qu'un animal aussi remarquable que moi ne peut provenir que d’une filiation divine. En effet, comment expliquer une telle force alliée à une puissance et une impétuosité sans bornes ?


C’est pourquoi de la Scandinavie au pourtour méditerranéen, des steppes mongoles aux pyramides mayas, je hante la plupart des récits mythologiquesTel Janus, j’arbore deux visages opposés et pourtant complémentaires. Le premier, sombre et inquiétant, renvoie aux forces obscures du monde souterrain. Fils de la nuit et du mystère, je suis porteur de mort. On m’attribue une fonction de psychopompe, conduisant les âmes des défunts jusqu’aux Enfers tel Sleipnir, le cheval à huit pattes d'Odin dans la mythologie nordique.

Mais ce sont les Grecs qui sont à l'origine des images les plus terrifiantes qui me sont associées. Ils me prêtent des pulsions cannibales, telles celles des juments de Diomède, auxquelles Héraklès met heureusement fin à l'occasion de l'un de ses travaux. Ils m'honorent également d'un don obscur : celui de prescience. L'un de mes lointains cousins peut même se targuer d'avoir prédit la mort d'Achille, le héros de Troie. Vous ne me croyez pas ? Relisez L’Iliade.

Fort heureusement, les récits fondateurs ne me cantonnent pas au monde chtonien. D'un bond – qui pourrait s'expliquer par ma domestication – je passe du royaume des morts à celui des dieux et héros. De Trundholm au Danemark à la Grèce, on me voit attelé au char du soleil, incarnant la force motrice sans laquelle le temps ne peut s'écouler. Fils de Poséidon et de la gorgone Méduse, je suis vainqueur de la Chimère… un peu aidé, il est vrai, par mon cavalier Bellérophon.

Galopant ainsi avec aisance de la nuit au jour, de la mort à la vie, mon ambiguïté a été vue par les Hommes comme un reflet de leur propre binarité. La figure qui incarne le mieux cette similarité est le Centaure. Mi-homme, mi-cheval, il symbolise la bête en l'homme et les conflits qui l'animent, entre instinct et raison.

Bien évidemment, ce ne sont là que quelques histoires que vous avez créées pour exorciser le mélange d’angoisse, de peur et de respect que vous me vouez. Il semble d'ailleurs que cet intérêt ne vous a pas quittés puisque la littérature a inventé depuis bien d'autres figures équines mythiques.


Collection de pages de titre découpées

Marque de l'imprimeur André Wechel, actif de 1554 à 1581 (Non coté)

La fin du cheval

Pierre Giffard, illustrations par Albert Robida, Paris : Armand Colin et Cie, 1899 (FIG 212)

Les Métamorphoses, Fable XIX : Persée décapitant Méduse et naissance de Pégase

Ovide, Paris : chez Augustin Courbé, 1651 (R Fol 35)

Breviarium sanctae Lugdunensis ecclesiae, primae galliarum sedis

Reliure aux armes de Bourlier de Commelle, Lyon : Typ. Petri Valfray, 1760 (R12-102)

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