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Si Roanne m'était comptée

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C'est le nombre de clichés réalisés par Stéphane Geoffray aux alentours de 1865 de sa ville natale : Roanne. Cet inventaire urbain fait partie, au même titre que 800 autres clichés de Charlieu, d'une collection acquise par la Ville de Roanne en 1957 auprès d'un habitant de Perreux, un certain Varinard des Côtes.

Si Stéphane Geoffray est bien l'auteur de ces clichés, nul ne sait cependant qui est à l'origine de l'ensemble de ces tirages sur papier albuminé. Nul ne peut dire également si ces 788 photographies constituent la totalité du travail réalisé par Geoffray dans les rues de Roanne ou si d'autres vues dorment encore dans des tiroirs, des caves ou des greniers.

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C'est la somme des photographies contenant des éléments permettant de dresser un état des lieux du tissu économique et commercial de l'époque. Sans aucune surprise, les fabriques de cotonnes et leurs activités connexes, telle la teinturerie, tiennent le haut du pavé. Car Roanne est depuis longtemps une ville productrice de textile. La seconde moitié du XIXe siècle transforme simplement cette activité artisanale en une véritable industrie. Les ateliers se développent et se multiplient.

Parmi les commerces, les cafés et buvettes sont également bien implantés. Leur nombre témoigne de l'augmentation de la population qui est passée de 11000 à presque 30000 habitants en 20 ans. Cet accroissement démographique s'expliquant par l'arrivée massive de main d'œuvre nécessaire au bon fonctionnement des usines textiles. Les ouvriers une fois sortis de l'usine doivent se loger… et se délasser. C'est pourquoi on peut noter la présence de cafés à proximité des fabriques de cotonnades.

Fabrique de cotonne Depeux-Tête et buvette, rue des Planches (rue Brison)

Fabrique de cotonne Depeux-Tête et buvette, rue des Planches (rue Brison)

Plaque signalétique marquant l'ouverture  de la rue de la Fouaillerie (Thermes-Romains) sur la rue des Aqueducs

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C'est le compte des rues immortalisées par Geoffray. Sur ces 66 rues, on ne remarque qu'une vingtaine de plaques indicatrices. Leur présence était pourtant prescrite dans les villes, aux entrées et sorties des rues ainsi qu'aux carrefours, depuis une vingtaine d'années déjà.

La plupart des clichés donnent un visage peu reluisant des rues de Roanne à cette époque : chaussées boueuses, murs décrépis ou effondrés, tas de pierres abandonnés ça et là… Si bien que l'on en vient à douter que l'on se trouve effectivement en présence d'une ville. Heureusement, sur d'autres vues, des fontaines, des becs de gaz, des rues pavées, des enseignes et même un atelier de photographie finissent par lever le doute. C'est bien une ville que l'on découvre et c'est bien Roanne.

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C'est le nombre de personnages comptabilisés sur les quelques 800 clichés. Un premier coup d'œil sur cet ensemble donne l'impression d'une ville morte qui aurait été décimée par un cataclysme. Certes, la ville est moins peuplée qu'au XXIe siècle mais cela n'explique pas tout. Puis, petit à petit, à mesure que l'œil s'habitue et qu'il s'arrête plus longuement sur chaque image, des formes fantomatiques apparaissent. Et puis, alors qu'on s'y attend le moins, nous voici en présence d'hommes et de femmes, parfois même d'enfants. De face ou de profil, assis ou debout voire même parfois allongés, tous ont pris la pose. La photographie de l'époque ne permettant pas de saisir une forme en mouvement ces personnes ont accepté, le temps d'une photo, d'arrêter leur activité.

Hommes au repos rue du Rossignol (Jean Macé) ou Sautet (Roger Salengro)

Hommes au repos rue du Rossignol (Jean Macé) ou Sautet (Roger Salengro)

Maisons et ateliers de charpentiers en bateaux sur le quai des Charpentiers (commandant Lherminier)

Maisons et ateliers de charpentiers en bateaux sur le quai des Charpentiers (commandant Lherminier).

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La somme des clichés montrant la rue Mulsant. Si cela peut paraître étonnant vu du XXIe siècle, cela peut s'expliquer à l'époque de Geoffray. En effet, jusqu'à 1862, le quartier Mulsant est la propriété de la ville de Riorges. Ce n'est qu'après son annexion qu'il passe sous la tutelle roannaise. Soit les prises de vue ont été effectuées avant 1862, soit Geoffray ne considérait pas encore cette rue comme faisant partie de Roanne (il faut parfois du temps pour intégrer des éléments nouveaux), soit encore des clichés ont bien été pris mais ils ne nous sont pas parvenus.

A l'inverse, certaines rues sont surreprésentées. C'est le cas du quai des Charpentiers qui, à lui seul, totalise 53 photographies. Au XIXe siècle il est le lieu d'habitation et de travail de corporations qui se sont enrichies grâce à l'arrivée du chemin de fer : les mariniers et charpentiers de Marine. En mitraillant ce quartier, Geoffray pressent-il que la fin est proche pour ces artisans ? Car avec le raccordement de la voie ferrée avec la ville voisine du Coteau, le transport des marchandises ne se fera plus par le Canal et la Loire. C'est désormais le règne du rail qui voit le jour. Et avec lui, celui de la rapidité et de la modernité. Jetant à jamais aux oubliettes la Roanne de Geoffray.