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Lysistrata, tout un art

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https://www.memo-roanne.fr/ark:/12345/DKLs128 Lysistrata, tout un art entry 2020-07-21 14:21:11.0 <div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><p><img alt="" src="/img/upload/images/Illustration%20rectangulaire.jpg" style="float:right; height:398px; margin-left:20px; margin-right:20px; width:600px" /></p></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><blockquote><p><em><span style="color:#660033">&laquo; Les Gr&acirc;ces, cherchant un sanctuaire imp&eacute;rissable, trouv&egrave;rent l&#39;&acirc;me d&#39;Aristophane &raquo; </span></em>affirmait Platon.</p></blockquote><p>En retour, elles lui offrirent l&rsquo;<strong>immortalit&eacute; litt&eacute;raire</strong> puisque 2400 ans apr&egrave;s sa disparition, ses &oelig;uvres sont toujours &eacute;dit&eacute;es, lues et interpr&eacute;t&eacute;es.</p><p>La pr&eacute;sente &eacute;dition de <em>Lysistrata</em>, com&eacute;die &eacute;crite au V<sup>e</sup> si&egrave;cle av. J.-C, fut cr&eacute;&eacute;e au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle et reli&eacute;e au XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle. Elle est ainsi une longue succession de savoir-faire, r&eacute;alis&eacute;s par diff&eacute;rentes mains, sur plusieurs si&egrave;cles, afin d&rsquo;aboutir &agrave; cet ouvrage d&rsquo;art.</p></div></div></div></div><div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><h3><span style="color:#660033">L&rsquo;art de la com&eacute;die</span></h3><p>Sur une place d&rsquo;Ath&egrave;nes, Lysistrata, f&acirc;ch&eacute;e, attend. Ainsi commence la pi&egrave;ce d&rsquo;Aristophane.</p><p>Elle a convoqu&eacute; l&rsquo;ensemble des femmes concern&eacute;es par la guerre du P&eacute;loponn&egrave;se, tant celles de l&rsquo;alliance ath&eacute;nienne que celles de l&rsquo;alliance spartiate car toutes souffrent de cette guerre qui n&rsquo;en finit pas. Elle, dont le pr&eacute;nom signifie celle qui d&eacute;fait les arm&eacute;es, a une id&eacute;e pour mettre un terme d&eacute;finitif au conflit ; faire la <strong>gr&egrave;ve du sexe</strong> jusqu&rsquo;&agrave; ce que les hommes signent la paix. Toll&eacute; unanime dans l&rsquo;assembl&eacute;e ! Cette solution les priverait &eacute;galement elles, les femmes, d&rsquo;un plaisir indispensable.</p><p>Avec force de persuasion, Lysistrata convainc son auditoire avant que chacune ne regagne son foyer, d&eacute;cid&eacute;e &agrave; faire valoir son droit de gr&egrave;ve. Ce dernier s&rsquo;av&egrave;re rude ; les hommes ordonnent, insistent, supplient, les femmes se font violence, r&eacute;sistent. D&eacute;sireuses d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer le processus elles jouent de leur charme, deviennent provocantes pour finalement se refuser. La situation ne dure pas, les Ath&eacute;niens comme les Spartiates n&rsquo;y tenant plus, la <strong>paix est sign&eacute;e</strong>. Les couples peuvent alors se r&eacute;concilier avant de se r&eacute;unir autour d&rsquo;un banquet festif.</p></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><p><img alt="" src="/img/upload/images/Illustration%201.png" style="float:left; height:590px; margin:50px 20px; width:600px" /></p></div></div></div></div><div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><p><img alt="" src="/img/upload/images/Buste%20Aristophane.jpg" style="float:right; height:717px; margin:10px 20px; width:600px" /></p></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><h3><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aristophane"><span style="color:#660033">Aristophane</span></a></h3><p>(445-385 av. J.-C.) est n&eacute; en Gr&egrave;ce o&ugrave; il connut &nbsp;les ann&eacute;es glorieuses de la puissance ath&eacute;nienne puis les vingt-sept ann&eacute;es sombres de la Guerre du P&eacute;loponn&egrave;se. Il est le principal repr&eacute;sentant de la Com&eacute;die ancienne dont les pi&egrave;ces &eacute;crites en vers, d&eacute;clam&eacute;es et chant&eacute;es, aux intrigues toujours bas&eacute;es sur la vie de la cit&eacute; utilisent la grivoiserie, l&rsquo;obsc&eacute;nit&eacute; voire m&ecirc;me la scatologie dans le but de faire rire. L&rsquo;auteur excelle dans la d&eacute;rision et la satire n&rsquo;ob&eacute;issant qu&rsquo;&agrave; une seule loi, &ecirc;tre libre de s&rsquo;opposer &agrave; tout, se moquer de tous, d&eacute;noncer les d&eacute;rives de la soci&eacute;t&eacute; gr&acirc;ce &agrave; la<strong> libert&eacute; d&rsquo;expression</strong> autoris&eacute;e par l&rsquo;&eacute;tat d&eacute;mocratique. La chute de celui-ci, signa la fin de ce genre de pi&egrave;ces comiques.</p><p>Aristophane en &eacute;crivit quarante-quatre dont seulement onze nous parvinrent.</p><p>Son style pertinent, si vif, son audace le firent aimer de ses contemporains qui le consid&eacute;raient comme un ma&icirc;tre sans rival. Platon en fit un des participants du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Banquet_(Platon)"><span style="color:#660033">Banquet</span></a> tandis qu&rsquo;&agrave; la Renaissance &Eacute;rasme recommanda sa lecture et qu&rsquo;en 1960, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/(2934)_Aristophane"><span style="color:#660033">ast&eacute;ro&iuml;de</span></a> fut baptis&eacute; de son nom.</p></div></div></div></div><div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><p></p><p>La com&eacute;die portant le nom de son h&eacute;ro&iuml;ne, fut &eacute;crite et jou&eacute;e en 411 av. J.-C. &agrave; l&rsquo;occasion de festivit&eacute;s ath&eacute;niennes alors que la cit&eacute; &eacute;tait au bord de la d&eacute;faite contre Sparte (404 av. J.-C.). Aristophane fait le choix de ne r&eacute;diger qu&rsquo;un seul acte, rythm&eacute; par les interventions de ch&oelig;urs. &Agrave; l&rsquo;unisson, tant&ocirc;t ils commentent l&rsquo;action tant&ocirc;t ils s&rsquo;adressent aux personnages ou aux spectateurs dans le but d&rsquo;accentuer l&rsquo;action et la confrontation. Quant au style linguistique employ&eacute;, il est &laquo; un m&eacute;lange permanent de grossi&egrave;ret&eacute; et de po&eacute;sie &raquo; dixit <em>Le Petit Robert</em> de 1996.</p><p>Depuis sa cr&eacute;ation, cette pi&egrave;ce fait <strong>pol&eacute;mique</strong>, passant de l&rsquo;encensement &agrave; la censure. Ses traductions, plus ou moins &eacute;dulcor&eacute;es sont nombreuses, tout autant que ses adaptations comme celle cin&eacute;matographique de Spike Lee, <a href="https://yard.media/decouvrez-la-bande-annonce-de-chi-raq-de-spike-lee/"><span style="color:#660033">Chi-Raq</span></a> sortie en 2015.</p><p>Si le texte de la pi&egrave;ce sert souvent la cause f&eacute;ministe, son concept fut parfois mis en application, entre autre en Colombie en 2011 (300 femmes <a href="https://www.revue-internationale.com/2013/11/colombie-une-greve-du-sexe-pour-des-routes-plus-praticables/"><span style="color:#660033">jambes crois&eacute;es</span></a> durant 3 mois) ou en octobre 2014 lors de la <a href="https://www.20minutes.fr/insolite/1466983-20141023-greve-sexe-arme-contre-guerre-soudan-sud"><span style="color:#660033">guerre civile au Soudan</span></a>.</p></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><p><img alt="" src="/img/upload/images/Illustration%203.png" style="float:left; height:597px; margin-left:20px; margin-right:20px; width:600px" /></p></div></div></div></div><p></p><hr /><div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><h4><span style="color:#660033">L&rsquo;auteur interpelle son public sur quatre grandes th&eacute;matiques.</span></h4><h4></h4><ul><li><em>&nbsp;Faites l&rsquo;amour pas la guerre ?</em> Aristophane affirme, telle la Pythie de Delphes, que ceci n&rsquo;emp&ecirc;chera jamais cela. Se faisant le porte-parole tant de l&rsquo;exasp&eacute;ration que du d&eacute;sespoir des citoyens, il pr&ocirc;ne avec d&eacute;rision la formule Ne faites pas l&rsquo;amour pour arr&ecirc;ter la guerre. Mais sa subversion ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas l&agrave;. En effet, dans la d&eacute;mocratie ath&eacute;nienne, r&eacute;gie par une soci&eacute;t&eacute; patriarcale dans laquelle les femmes ne poss&egrave;dent pas le statut de citoyenne et ne prennent aucunement part aux affaires de la cit&eacute;, il en choisit une pour mettre un terme au chaos. Ainsi, celle dont le r&ocirc;le se cantonne aux choses de l&rsquo;amour et de la maison, r&eacute;sout une affaire purement masculine dont les hommes eux-m&ecirc;mes sont incapables de s&rsquo;extraire, la guerre.</li><li>&nbsp;<em>La femme, l&#39;avenir de l&#39;homme ?</em> Aristophane r&eacute;it&egrave;re l&rsquo;id&eacute;e dans deux autres com&eacute;dies, Les Thesmophories (411 av. J.-C.) et L&#39;assembl&eacute;e des femmes (392 av. J.-C.). La premi&egrave;re voit les Ath&eacute;niennes se venger des critiques formul&eacute;es &agrave; leur encontre par le po&egrave;te Euripide. Dans la seconde, les m&ecirc;mes s&rsquo;emparent du pouvoir et imposent l&rsquo;inversion des r&ocirc;les hommes-femmes. Lysistrata quant &agrave; elle, recourt &agrave; leur sensibilit&eacute;, leur&nbsp; intelligence ainsi qu&rsquo;&agrave; leur pugnacit&eacute; pour permettre le retour d&rsquo;un avenir lumineux sur l&rsquo;ensemble de la soci&eacute;t&eacute; grecque. Toutefois la caract&eacute;ristique commune de ces trois pi&egrave;ces est&nbsp; l&rsquo;utilisation de l&rsquo;ambivalence voire de la contradiction, l&rsquo;auteur jouant sans cesse entre f&eacute;minisme et misogynie.</li></ul></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><p></p><p></p><ul><li><em>&nbsp;Peut-on rire de tout ?</em> Aristophane r&eacute;pond positivement en traitant un th&egrave;me aussi tragique que celui de la guerre avec d&eacute;sopilance. En dessous de la probl&eacute;matique g&eacute;n&eacute;rale, de nombreux sujets intemporels sont abord&eacute;s dans cette com&eacute;die; vie quotidienne, relation hommes-femmes, in&eacute;galit&eacute;, pouvoir, les hommes, les femmes. Et si, dans l&rsquo;histoire, ces derni&egrave;res sont victorieuses, elles n&rsquo;en demeurent&nbsp; pas moins imparfaites. L&rsquo;auteur s&rsquo;amuse, du haut de son h&eacute;ro&iuml;ne, &agrave; d&eacute;crire les d&eacute;fauts, les qualit&eacute;s, les faiblesses ou autres forces de chacun et chacune dans les relations priv&eacute;es et les rapports sociaux.</li><li><em>&nbsp;Politiquement incorrect ?</em> Aristophane alerte gr&acirc;ce &agrave; ses impertinences. Il est le trublion satirique de son &eacute;poque qui&nbsp; s&rsquo;acharne &agrave; r&eacute;v&eacute;ler l&rsquo;immoralit&eacute; sociale et les vices du pouvoir. Ainsi dans la pi&egrave;ce appelle-t-il au retour de l&rsquo;ordre moral au-del&agrave; de la guerre fratricide des cit&eacute;s grecques, par crainte d&rsquo;un monde d&eacute;j&agrave; en perdition. Il imagine que les femmes, pourraient &ecirc;tre l&rsquo;alternative bien que son choix final soit de les d&eacute;sint&eacute;resser du pouvoir apr&egrave;s avoir gagn&eacute; la lutte et de les faire regagner leur maison. Il sait que, la corruption de la soci&eacute;t&eacute;, telle une machine infernale, ne pourra &ecirc;tre enray&eacute;e. H&eacute;siode, dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mythe_des_races"><span style="color:#660033">Les travaux et les jours</span></a>, trois si&egrave;cles avant lui, l&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; pr&eacute;dit. Il ne nous reste donc plus qu&rsquo;&agrave; rire de la trag&eacute;die.</li></ul></div></div></div></div><hr /><p></p><div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><p><img alt="" src="/img/upload/images/Illustration%202.png" style="float:right; height:447px; margin-left:20px; margin-right:20px; width:450px" /></p></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><h3><span style="color:#660033">Les arts du livre</span></h3><p>La traduction du texte grec, l&rsquo;introduction ainsi que les notes &nbsp;sont assur&eacute;es par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Z%C3%A9vort"><span style="color:#660033">Charles Z&eacute;vort</span></a> (1816-1887). Hell&eacute;niste, agr&eacute;g&eacute; de philosophie, docteur &egrave;s lettres, enseignant, proche de Jules Ferry, il contribua, entre autre, &agrave; la r&eacute;forme de l&rsquo;enseignement classique et &agrave; l&rsquo;organisation de l&rsquo;enseignement secondaire des jeunes filles.</p><p>Les illustrations sont sign&eacute;es Notor, pseudonyme du vicomte <a href="http://frederic.le.duigou.free.fr/notor/index.php?page=001"><span style="color:#660033">Gabriel de Roton</span></a> (1865-1964). &Eacute;l&egrave;ve &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole du Louvre puis auditeur libre &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole des Chartes, ses talents de dessinateur &agrave; la plume et sa passion pour l&rsquo;art grec antique lui permirent de reproduire les illustrations figurant sur les vases, les fresques, les statues&hellip; dont il fit quelques deux mille dessins. Cent sept sont reproduits ici, dans des tons orang&eacute;s sur fond noir, mis en page dans et hors texte.</p><p>Cette &eacute;dition dat&eacute;e de 1898 est due &agrave; <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ditions_Fasquelle"><span style="color:#660033">Eug&egrave;ne Fasquelle</span> </a>(<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/1863_en_litt%C3%A9rature" title="1863 en littérature"><span style="color:#660033">1863</span></a>-1952). Il reprit les &eacute;ditions de Georges Charpentier dont il assura la continuit&eacute; &eacute;ditoriale en publiant les romans de Flaubert, Zola, Maupassant, Daudet&hellip; auxquels il ajouta Jarry, Lou&yuml;s, Pagnol et Rostand pour ne citer qu&rsquo;eux.</p><p>Dans le cas pr&eacute;sent, il opta pour une mise en page a&eacute;r&eacute;e offrant une place importante aux illustrations. La lecture du texte est de ce fait agr&eacute;able, servie par de fins et gracieux caract&egrave;res d&rsquo;imprimerie.</p></div></div></div></div><div class="btgrid"><div class="row row-1"><div class="col col-md-6"><div class="content"><p>Enfin la reliure, r&eacute;alis&eacute;e au XXIe si&egrave;cle est sign&eacute;e d&rsquo;Isabelle Rollet. &nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;une reliure lyonnaise, technique datant du XVIe si&egrave;cle, traditionnellement recouverte de parchemin. Mais c&rsquo;est une peau de buffle orange que rev&ecirc;t l&rsquo;ouvrage, un cuir fantaisiste pour une technique ancienne. Les broderies sur les plats r&eacute;alis&eacute;es en fil noir forment une succession de petites croix ne ressemblant en rien au motif habituel dont les croix allong&eacute;es forment des losanges. Quelques sequins noirs et oranges illuminent discr&egrave;tement la couverture.</p><p>Le relieur a jou&eacute; avec l&rsquo;utilisation d&rsquo;un proc&eacute;d&eacute; &nbsp;ancien destin&eacute; &agrave; une &oelig;uvre classique en la modernisant pour &eacute;voquer l&rsquo;intemporalit&eacute; du texte. Le rendu est sobre pour ne desservir ni la pi&egrave;ce ni les illustrations. Les couleurs choisies, noir et orange rappellent d&rsquo;ailleurs ces derni&egrave;res. L&rsquo;aust&eacute;rit&eacute; des croix align&eacute;es symbolisant les hommes et l&rsquo;arm&eacute;e est contrebalanc&eacute;e par la diss&eacute;mination des paillettes brillantes incarnant l&rsquo;agitation des femmes.</p><p>Tant &agrave; lire qu&rsquo;&agrave; regarder, cet ouvrage est un condens&eacute; d&rsquo;arts r&eacute;ussis. Il r&eacute;sume &agrave; lui seul ce qu&rsquo;&eacute;tait la notion grecque de Tekhn&egrave;, la connaissance pratique, lorsque art et artisanat ne faisaient qu&rsquo;un.</p><p>Et si, comme le dit Paul de Saint Victor &quot;Gr&acirc;ce &agrave; Aristophane, on a entendu une fois sur la terre, le rire inextinguible des dieux&quot;, c&rsquo;est gr&acirc;ce &agrave; d&rsquo;autres artistes qu&rsquo;il r&eacute;sonne encore aujourd&rsquo;hui.</p></div></div><div class="col col-md-6"><div class="content"><p><img alt="" src="/img/upload/images/Reliure%20fond%20gris.jpg" style="float:right; height:358px; margin:20px; width:550px" /></p></div></div></div></div><p></p> français

Lysistrata, tout un art

Date : 2020-07-21 14:21:11.0 Type de document : Illustration Résumé :

« Les Grâces, cherchant un sanctuaire impérissable, trouvèrent l'âme d'Aristophane » affirmait Platon.

En retour, elles lui offrirent l’immortalité littéraire puisque 2400 ans après sa disparition, ses œuvres sont toujours éditées, lues et interprétées.

La présente édition de Lysistrata, comédie écrite au Ve siècle av. J.-C, fut créée au XIXe siècle et reliée au XXIe siècle. Elle est ainsi une longue succession de savoir-faire, réalisés par différentes mains, sur plusieurs siècles, afin d’aboutir à cet ouvrage d’art.

L’art de la comédie

Sur une place d’Athènes, Lysistrata, fâchée, attend. Ainsi commence la pièce d’Aristophane.

Elle a convoqué l’ensemble des femmes concernées par la guerre du Péloponnèse, tant celles de l’alliance athénienne que celles de l’alliance spartiate car toutes souffrent de cette guerre qui n’en finit pas. Elle, dont le prénom signifie celle qui défait les armées, a une idée pour mettre un terme définitif au conflit ; faire la grève du sexe jusqu’à ce que les hommes signent la paix. Tollé unanime dans l’assemblée ! Cette solution les priverait également elles, les femmes, d’un plaisir indispensable.

Avec force de persuasion, Lysistrata convainc son auditoire avant que chacune ne regagne son foyer, décidée à faire valoir son droit de grève. Ce dernier s’avère rude ; les hommes ordonnent, insistent, supplient, les femmes se font violence, résistent. Désireuses d’accélérer le processus elles jouent de leur charme, deviennent provocantes pour finalement se refuser. La situation ne dure pas, les Athéniens comme les Spartiates n’y tenant plus, la paix est signée. Les couples peuvent alors se réconcilier avant de se réunir autour d’un banquet festif.

Aristophane

(445-385 av. J.-C.) est né en Grèce où il connut  les années glorieuses de la puissance athénienne puis les vingt-sept années sombres de la Guerre du Péloponnèse. Il est le principal représentant de la Comédie ancienne dont les pièces écrites en vers, déclamées et chantées, aux intrigues toujours basées sur la vie de la cité utilisent la grivoiserie, l’obscénité voire même la scatologie dans le but de faire rire. L’auteur excelle dans la dérision et la satire n’obéissant qu’à une seule loi, être libre de s’opposer à tout, se moquer de tous, dénoncer les dérives de la société grâce à la liberté d’expression autorisée par l’état démocratique. La chute de celui-ci, signa la fin de ce genre de pièces comiques.

Aristophane en écrivit quarante-quatre dont seulement onze nous parvinrent.

Son style pertinent, si vif, son audace le firent aimer de ses contemporains qui le considéraient comme un maître sans rival. Platon en fit un des participants du Banquet tandis qu’à la Renaissance Érasme recommanda sa lecture et qu’en 1960, un astéroïde fut baptisé de son nom.

La comédie portant le nom de son héroïne, fut écrite et jouée en 411 av. J.-C. à l’occasion de festivités athéniennes alors que la cité était au bord de la défaite contre Sparte (404 av. J.-C.). Aristophane fait le choix de ne rédiger qu’un seul acte, rythmé par les interventions de chœurs. À l’unisson, tantôt ils commentent l’action tantôt ils s’adressent aux personnages ou aux spectateurs dans le but d’accentuer l’action et la confrontation. Quant au style linguistique employé, il est « un mélange permanent de grossièreté et de poésie » dixit Le Petit Robert de 1996.

Depuis sa création, cette pièce fait polémique, passant de l’encensement à la censure. Ses traductions, plus ou moins édulcorées sont nombreuses, tout autant que ses adaptations comme celle cinématographique de Spike Lee, Chi-Raq sortie en 2015.

Si le texte de la pièce sert souvent la cause féministe, son concept fut parfois mis en application, entre autre en Colombie en 2011 (300 femmes jambes croisées durant 3 mois) ou en octobre 2014 lors de la guerre civile au Soudan.


L’auteur interpelle son public sur quatre grandes thématiques.

  •  Faites l’amour pas la guerre ? Aristophane affirme, telle la Pythie de Delphes, que ceci n’empêchera jamais cela. Se faisant le porte-parole tant de l’exaspération que du désespoir des citoyens, il prône avec dérision la formule Ne faites pas l’amour pour arrêter la guerre. Mais sa subversion ne s’arrête pas là. En effet, dans la démocratie athénienne, régie par une société patriarcale dans laquelle les femmes ne possèdent pas le statut de citoyenne et ne prennent aucunement part aux affaires de la cité, il en choisit une pour mettre un terme au chaos. Ainsi, celle dont le rôle se cantonne aux choses de l’amour et de la maison, résout une affaire purement masculine dont les hommes eux-mêmes sont incapables de s’extraire, la guerre.
  •  La femme, l'avenir de l'homme ? Aristophane réitère l’idée dans deux autres comédies, Les Thesmophories (411 av. J.-C.) et L'assemblée des femmes (392 av. J.-C.). La première voit les Athéniennes se venger des critiques formulées à leur encontre par le poète Euripide. Dans la seconde, les mêmes s’emparent du pouvoir et imposent l’inversion des rôles hommes-femmes. Lysistrata quant à elle, recourt à leur sensibilité, leur  intelligence ainsi qu’à leur pugnacité pour permettre le retour d’un avenir lumineux sur l’ensemble de la société grecque. Toutefois la caractéristique commune de ces trois pièces est  l’utilisation de l’ambivalence voire de la contradiction, l’auteur jouant sans cesse entre féminisme et misogynie.

  •  Peut-on rire de tout ? Aristophane répond positivement en traitant un thème aussi tragique que celui de la guerre avec désopilance. En dessous de la problématique générale, de nombreux sujets intemporels sont abordés dans cette comédie; vie quotidienne, relation hommes-femmes, inégalité, pouvoir, les hommes, les femmes. Et si, dans l’histoire, ces dernières sont victorieuses, elles n’en demeurent  pas moins imparfaites. L’auteur s’amuse, du haut de son héroïne, à décrire les défauts, les qualités, les faiblesses ou autres forces de chacun et chacune dans les relations privées et les rapports sociaux.
  •  Politiquement incorrect ? Aristophane alerte grâce à ses impertinences. Il est le trublion satirique de son époque qui  s’acharne à révéler l’immoralité sociale et les vices du pouvoir. Ainsi dans la pièce appelle-t-il au retour de l’ordre moral au-delà de la guerre fratricide des cités grecques, par crainte d’un monde déjà en perdition. Il imagine que les femmes, pourraient être l’alternative bien que son choix final soit de les désintéresser du pouvoir après avoir gagné la lutte et de les faire regagner leur maison. Il sait que, la corruption de la société, telle une machine infernale, ne pourra être enrayée. Hésiode, dans Les travaux et les jours, trois siècles avant lui, l’avait déjà prédit. Il ne nous reste donc plus qu’à rire de la tragédie.

Les arts du livre

La traduction du texte grec, l’introduction ainsi que les notes  sont assurées par Charles Zévort (1816-1887). Helléniste, agrégé de philosophie, docteur ès lettres, enseignant, proche de Jules Ferry, il contribua, entre autre, à la réforme de l’enseignement classique et à l’organisation de l’enseignement secondaire des jeunes filles.

Les illustrations sont signées Notor, pseudonyme du vicomte Gabriel de Roton (1865-1964). Élève à l’École du Louvre puis auditeur libre à l’École des Chartes, ses talents de dessinateur à la plume et sa passion pour l’art grec antique lui permirent de reproduire les illustrations figurant sur les vases, les fresques, les statues… dont il fit quelques deux mille dessins. Cent sept sont reproduits ici, dans des tons orangés sur fond noir, mis en page dans et hors texte.

Cette édition datée de 1898 est due à Eugène Fasquelle (1863-1952). Il reprit les éditions de Georges Charpentier dont il assura la continuité éditoriale en publiant les romans de Flaubert, Zola, Maupassant, Daudet… auxquels il ajouta Jarry, Louÿs, Pagnol et Rostand pour ne citer qu’eux.

Dans le cas présent, il opta pour une mise en page aérée offrant une place importante aux illustrations. La lecture du texte est de ce fait agréable, servie par de fins et gracieux caractères d’imprimerie.

Enfin la reliure, réalisée au XXIe siècle est signée d’Isabelle Rollet.  Il s’agit d’une reliure lyonnaise, technique datant du XVIe siècle, traditionnellement recouverte de parchemin. Mais c’est une peau de buffle orange que revêt l’ouvrage, un cuir fantaisiste pour une technique ancienne. Les broderies sur les plats réalisées en fil noir forment une succession de petites croix ne ressemblant en rien au motif habituel dont les croix allongées forment des losanges. Quelques sequins noirs et oranges illuminent discrètement la couverture.

Le relieur a joué avec l’utilisation d’un procédé  ancien destiné à une œuvre classique en la modernisant pour évoquer l’intemporalité du texte. Le rendu est sobre pour ne desservir ni la pièce ni les illustrations. Les couleurs choisies, noir et orange rappellent d’ailleurs ces dernières. L’austérité des croix alignées symbolisant les hommes et l’armée est contrebalancée par la dissémination des paillettes brillantes incarnant l’agitation des femmes.

Tant à lire qu’à regarder, cet ouvrage est un condensé d’arts réussis. Il résume à lui seul ce qu’était la notion grecque de Tekhnè, la connaissance pratique, lorsque art et artisanat ne faisaient qu’un.

Et si, comme le dit Paul de Saint Victor "Grâce à Aristophane, on a entendu une fois sur la terre, le rire inextinguible des dieux", c’est grâce à d’autres artistes qu’il résonne encore aujourd’hui.

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