♦ La planche à graver est issue d’arbres fruitiers tels que poiriers, pommiers, cerisiers et noyers. Une fois sèche, aplanie et polie, elle reçoit le dessin puis la taille d’épargne consistant à supprimer tout le bois autour du dessin à l'aide de couteaux et de gouges afin d’obtenir un fond en creux et ne conserver en relief (épargner) que le motif. Opération délicate, elle demande du savoir-faire et de la méticulosité surtout lorsqu’il s’agit de détails, de petits motifs ou de lettres, gravés inversés sur un plan horizontal afin d’être dans le bon sens une fois imprimés. La moindre erreur est fatale, impliquant le recommencement du travail sur une nouvelle planche.

♦ Vient ensuite le tirage réalisé à l’encre noire fabriquée à base de noir de fumée, de térébenthine et de colle. La planche est posée à plat sur une table, face gravée en l’air, pour recevoir l’encre étalée au tampon ou à la brosse avant d’être recouverte par une feuille de papier chiffon humide. L’ensemble est frotté à la main soit avec un fronton (petit sac de toile empli de crins collés compactés) soit au rouleau en bois ou serré dans une presse. Une fois le motif imprimé, le papier est retiré de la planche pour être mis à sécher.

♦ Pour terminer, la mise en couleur peut être effectuée au pinceau à main levée mais généralement la peinture est passée à la brosse par-dessus des patrons. De la même taille que la feuille imprimée, ils sont ajourés au niveau des motifs de celle-ci à la façon d’un pochoir. Chaque couleur nécessite un patron et un temps de séchage.

♦ Le plus ancien bois gravé connu à ce jour fut trouvé en Bourgogne et daterait des années 1370-1380. Bien que n'étant qu’un fragment, le Bois Protat  permet d’identifier une scène de crucifixion sur une face et une annonciation sur l’autre. Un motif décoratif constitué de losanges et de croix prend place derrière l’ange agenouillé et annonce le style purement graphique et répétitif des futurs papiers dominotés. 
À cette époque, les images circulent grâce aux colporteurs voyageant de villages en villages, capables de les imprimer eux-mêmes au fur et à mesure de leur vente. 
♦ La généralisation de l'imprimerie, mise au point par Gutenberg en 1454, permet aux dominotiers l'insertion de texte plus important et ce jusqu’en 1586, date à laquelle ils se voient interdire l’utilisation de caractères. En effet deux confréries distinctes se partagent le travail des impressions. Celle des libraires-imprimeurs se consacrant à l'imprimerie et à la vente de livres tandis que celle des dominotiers-tapissiers-imagiers se focalise sur la production d’images : scènes ou portraits religieux et profanes (parfois critiques et subversifs), cartes à jouer, papiers décoratifs... 

♦ Le XVII^e siècle voit l’apparition de la gravure en taille douce; le dessin tracé en creux sur une plaque de métal permet un trait et des détails plus en finesse tout en offrant des possibilités de dégradés noirs/grisés. Cette nouvelle technique d'illustration concurrence la dominoterie qui se spécialise alors essentiellement dans la fabrication de papiers décoratifs servant à doubler l'intérieur des meubles, à recouvrir les objets, les livres et les murs des logements.

♦ Durant un siècle et demi, la production excelle, poussée « à un tel point de perfectionnement et d’agrément [...] qu’il n’est point de maison à Paris, pour magnifique qu’elle soit [...] qui n’en soit tapissée, et assez agréablement ornée » comme affirme Jacques Savary des Bruslons dans son Dictionnaire universel du Commerce publié en 1723. Le dominotier Jean-Michel Papillon (1698-1776) invente le lé constitué de papiers à raccord, mesurant 45 x 35 cm, collés les uns aux autres, ce qui permet un motif mural continu précurseur du papier peint.

♦ Mais à partir du milieu du XVIII^e siècle, les papiers peints anglais arrivent sur le marché en proposant un nouveau genre ornemental moins graphique, davantage aéré, inspiré du textile. Une des premières manufactures à pénétrer sur le territoire avec ce genre de produits est la Blew Paper Society en 1753. Dès lors les techniques évoluent. Premièrement pour permettre l’impression sur de longs lés de papier sans raccords, deuxièmement pour imiter l’aspect des étoffes et de leurs motifs. Les indiennes comme les chinoiseries, venues d’Asie, sont très prisées par la bourgeoisie désireuse d’imiter les appartements de la cour ornés de tentures. Puis vient la reproduction de toutes sortes de matières et d’illusions. Ainsi le fabricant parisien Durollin propose en 1788 des papiers peints avec « ornements d’architecture en grisaille et rehaussés d’or, imitant le bois des Indes et le dos des livres, grillages imitant les rideaux de bibliothèque, treillages, briques, moellons, pierres de taille […] statues, guirlandes, parterres, angles, bordures, lambris… ».

Il en est terminé de la dominoterie comme précieuse décoration d’intérieur, elle est rétrogradée à l’usage du peuple.

♦Son utilisation sur les livres subit un sort identique. La technique du papier marbré, venue d’Asie au XVII^e siècle, connaît un engouement menant à sa généralisation progressive. Fort onéreux, il est alors utilisé en première page de garde des reliures en plein cuir. Parallèlement, les relieurs du XVIII^e siècle, étant dans l’impossibilité de relier tous les ouvrages imprimés, inventent une technique rapide de brochage manuel censé être provisoire. Il consiste à coudre les feuillets du livre les uns aux autres puis à recouvrir l’ensemble d’une feuille de papier dominoté. Les dominos sont donc considérés comme papiers bas de gamme à utiliser sur des ouvrages en attente de vraies reliures. Tels les nouveaux motifs de papiers peints, les mouvements onduleux de la marbrure sont préférés au graphisme statique de la dominoterie.

La profession de dominotier s’éteint peu à peu pour disparaître définitivement dans les années 1830.

♦ Les ateliers sont la plupart du temps familiaux ce qui permet la transmission des savoir-faire, de l’outillage et des fournitures dont les planches gravées. Ainsi Jean Papillon, né en 1639, est le premier de trois générations comprenant quatre dominotiers. Jacques Gaugain dit Sillé (1723-1772), possède quant à lui un atelier au Mans dans lequel il œuvre accompagné de son épouse Élisabeth, de ses deux filles, d’un de ses gendres, de deux ouvriers et parfois du renfort de ses deux frères. À son décès, Élisabeth poursuit l’activité en signant les papiers La veuve Sillé. Car en effet certains dominotiers mentionnent dans les marges de leurs feuilles, leur nom et ville ainsi que le numéro de référence du motif. Ces renseignements permettent d’évaluer la production des ateliers. Celui de Pierre-Fiacre Perdoux, installé à Orléans de 1771 à 1805, totalise plus de cinq cents modèles. Sans signatures, il est impossible d’attribuer le papier à un fabricant précis car la notion de droit d'auteur, bien qu’existant depuis le Moyen Âge, n'est pas reconnue et les artisans se copient mutuellement sans gêne. D’autres dominotiers n’hésitent pas à s’expatrier. C’est le cas de Louis Antoine Laferté qui introduit le savoir-faire décoratif et technique français en Italie dans les années 1760. En effet les dominos italiens étaient jusqu’alors imprimés avec de petites planches de bois répétées plusieurs fois sur une même feuille, créant des raccords approximatifs dans les décors.  

♦ Ces derniers sont d’ingénieux agencements de formes géométriques et/ou de motifs végétaux, variés, grands, petits, rapprochés, espacés répétés, organisés verticalement, horizontalement, en diagonales, agrémentés de lignes, de traits, de points afin de constituer un visuel graphique. Cette riche accumulation offre des compositions organisées et rythmées, aux esthétiques fantaisistes. Toutefois ravissantes lorsqu’elles recouvrent une petite surface, elles sont susceptibles de devenir peu lisibles, fatigantes à regarder voire oppressantes sur un mur entier.  
Bien que les motifs assurent la base des créations, les couleurs n’en n’ont pas moins d’importance ; elles donnent de la profondeur et illuminent le graphisme.  D’ailleurs les descriptions des papiers dominotés adjoignent motifs/couleurs dans une abstraction littérale telle que « Impression de motifs floraux noirs à la planche sur fond vert puis orange au patron », ne prenant du sens qu’à la vue du papier. 
Si la mise en couleur à main levée est longue donc non rentable pour les dominotiers, celle au patron s’avère problématique ; irrégularité dans la couleur, bavure de peinture sous le patron, décalage du patron sur l’impression. Jean-Michel Papillon aborde ces problèmes en 1776 dans son Traité historique et pratique de la gravure en bois : « les parties sont dérangées et se trouvent couvertes de couleurs aux endroits où il n’en faut point, tandis qu’à ceux auxquels il en faut, il n’y en a pas ». Ce qui était considéré comme un défaut fait aujourd’hui le charme des papiers dominotés anciens recherchés par les collectionneurs et les institutions. 

Étudier la dominoterie permet de ne pas oublier cet art décoratif dont la finalité était l’embellissement du quotidien. Admirer les papiers dominotés les hisse à nouveau à la place d’œuvre graphique qu’ils connurent à leur apogée. Enfin, s’intéresser à la profession de dominotier rend hommage à des artisans qui maîtrisèrent des matériaux et des techniques utilisés durant plusieurs siècles. 
Aujourd’hui en France, seul l’atelier parisien Antoinette Poisson perpétue ce savoir-faire et produit des dominos dans la pure tradition.