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Pensionnat et internat, quelles études pour les jeunes roannaises aux XIXe et XXe siècle ?

Le Pensionnat de l'Immaculée Conception de Roanne - © memo-roanne.fr

Au XIXe siècle, toutes les jeunes filles n’ont pas la chance de poursuivre des études supérieures. Les frais de pension élevés ne permettent pas à toutes les familles de la campagne de pouvoir faire face.

En général les élèves obtiennent le certificat d’étude vers l’âge de 14 ans et entrent directement dans la vie active. D’autres moins chanceuses manquent souvent l’école car les parents ont régulièrement besoin de main d’œuvre à la ferme. Pour les familles plus aisées, les pensionnats préparent à toutes les tâches ménagères sans oublier les matières théoriques. Les plus douées accèdent, par la suite, à l’enseignement supérieur.

Retour en arrière ! Visitons quelques établissements roannais de l’époque…

Pensionnat des Minimes

En cette fin de 19e siècle, Jordan Antoine, curé de la paroisse Notre-Dame-des-Victoires, souhaite, depuis longtemps, ouvrir un établissement scolaire accessible à toutes les bourses, à proximité du faubourg Clermont et du Quai du Bassin où vivent beaucoup de familles aux revenus faibles. L’école la plus proche se trouve dans le quartier de l’église Saint-Etienne où demeurent les gens plutôt aisés. Le chef de cet établissement manifeste son mécontentement mais cela ne décourage pas notre curé. Par connaissance il fait appel à trois sœurs de la congrégation Saint-Charles de Lyon qu’il loge dans une maison lui appartenant au 19, rue des Minimes. Grâce à l’essor de l’industrie textile, de nombreuses familles arrivent sur Roanne et notre père curé a eu bien raison d’ouvrir un second établissement.

Créée vers 1816 par les Sœurs Saint-Charles, l’école des Minimes ouvre son pensionnat en 1817, à la place du couvent. L’internat donne sur la rue des Minimes ; l’externat, l’école maternelle et élémentaire sur la place du même nom. C’est une grande maison, d’aspect très accueillant, entourée de jardins aux allées bordées d’iris. Les beaux jours installés, une magnifique glycine agrémente les murs et les arbres séculaires offrent un ombrage fort apprécié. (CP 1 J/9 - 1 J/1 – 1 J/4)

Par acte du 24 octobre 1836, les bâtiments de l’école sont définitivement vendus aux Sœurs Saint-Charles tandis que le père Jordan, désormais nommé à la paroisse Saint-Bonaventure à Lyon, leur lègue l’immeuble 19 rue des Minimes. En échange de quoi les Sœurs lui promettent de continuer l’école pour les jeunes filles de la paroisse. Elles font célébrer chaque 17 janvier, le jour de la Saint Antoine son Saint-Patron, une messe à sa mémoire. En 1841, au 19 rue des Minimes, on compte 12 pensionnaires, 11 religieuses et 1 jardinier sous la direction de Sœur Sainte Suzanne. En 1861, l’établissement abrite 21 religieuses et 46 jeunes filles internes.

Le Pensionnat des Minîmes de Roanne - © memo-roanne.fr

Le Pensionnat des Minîmes et la liste du trousseau à fournir pour chaque pensionnaire - © memo-roanne.fr

Chaque pensionnaire reçoit la liste pour le trousseau à fournir et le numéro de l’élève doit être inscrit sur toutes les pièces. [21 F 95 (5)]. Les cours débutent à 8 h, finissent à 18 h 30 ce qui représente de longues journées et il y a cours le samedi matin. Des heures d’étude sont proposées jeudi et dimanche matin. À la fin du cycle, les élèves obtiennent le brevet élémentaire. La discipline est sévère. Une cloche tirée par une longue ficelle rythme la vie du pensionnat.

Les pensionnaires retournent rarement dans leur famille en dehors des vacances de Noël et de l’été. Elles peuvent recevoir des visites tous les jours de 12 h 30 à 13 h 30 et de 16 h à 16 h 30. Les sorties du jeudi et du dimanche après-midi, de 12 h à 17 h, sont accordées aux élèves méritantes par leur conduite et leur travail. Le costume est de rigueur pour ces promenades. (CP 1 J/7).

Des temps forts ponctuent l’année scolaire qui débute fin septembre. Une retraite annuelle est prêchée aux internes par un prêtre pendant 4 jours, à laquelle les demi-pensionnaires peuvent se joindre moyennant des frais de pension. (3 T1 – 13 (3)).

Après la messe de la Sainte-Catherine, le 25 novembre, une représentation donnée par les élèves se termine par un grand goûter dans le réfectoire. La journée du 8 décembre est marquée par les illuminations et la procession des élèves vers 17 h au sein des bâtiments. Le Jeudi Saint, jour de la première communion, chaque classe défile dans la rue. Lors de la Fête Dieu, soixante jours après Pâques, de grands draps décorés de fleurs recouvrent les murs extérieurs entourant les jardins, au milieu desquels sont installés trois reposoirs, sorte d’autels couverts de pétales. Un autre évènement marquant de l’année est la promenade de Vernay qui s’effectue à pied pour l’ensemble du Pensionnat, en tenue noire ou bleu marine, assortie d‘un chapeau marron et jaune. L’année scolaire se clôture par la kermesse au cours de laquelle les travaux manuels sont exposés et les prix sont distribués aux meilleures élèves.

À partir de 1904, les cours sont dispensés par des institutrices libres catholiques qui assurent également l’instruction religieuse, aidées par le prêtre de la paroisse.

L’effectif augmente et les Sœurs investissent, petit-à-petit, les numéros 28, 30 et 32 de la rue des Minimes. En 1948, au cours de la construction d’un nouveau bâtiment, survient une grande crue. Aussi, en souvenir, dans le jambage de la porte, une pierre représentant deux poissons qui s’affrontent, indique le niveau atteint par cette inondation historique.

Jusqu’à sa fermeture en 1974, de nombreuses religieuses se succèdent à la tête de ce Pensionnat. Il est, par la suite, transféré rue Pierre Dépierre à côté de la Chambre de Commerce. Les bâtiments rasés en 1976 laissent place à un parking de 147 places inauguré début janvier 1977.


Pensionnat de l’Immaculée Conception

Créé en 1817 (CP 1 K/9 – 1 K/7 – 1 K/15), dirigé lui aussi par les Sœurs de Saint-Charles, le pensionnat de l’Immaculée Conception ouvre ses portes à l’école paroissiale de La Charité. Trois classes sont installées dans la grande salle. En 1904 l’effectif est de 111 élèves : 27 internes, 15 demi-pensionnaires, 69 externes.

En 1907, après avoir visité d’autres établissements, il est décidé de construire un bâtiment dans lequel seront proposés des cours ménagers : blanchisserie, ménage, repassage, cuisine, couture… En 1909 s’ajoutent la sténographie et la dactylographie. En 1911-1912, le réfectoire est déménagé et l’ancienne chapelle devient dortoir.

En 1914, une maison est construite entre les deux bâtiments, le dortoir est agrandi. Mais survient la grande guerre et toutes ses conséquences ! Le pensionnat accueille les premiers soldats blessés venus du Nord et de l’Est. Ils arrivent dans un triste état et occupent une centaine de lits. Dès le 13 septembre, le pensionnat de jeunes filles devient un Hôpital auxiliaire temporaire et chaque pensionnaire apporte une aide précieuse…Certaines tricotent et cousent pour les soldats étrangers. Les sœurs prennent de belles initiatives pendant ce conflit : soins, secours, distribution de repas gratuits… Et font célébrer des messes à l’intention des blessés dans la chapelle du Pensionnat.

En 1920, l’école devient une institution secondaire qui accueille des internes et porte désormais le nom de « Pensionnat de l’Immaculée Conception ». Les élèves sortent toujours accompagnées de leurs maîtresses et en silence aussi bien dans la cour que dans les rues.

Le Pensionnat de l'Immaculée Conception de Roanne - © memo-roanne.fr

Pendant la deuxième guerre mondiale, le pensionnat doit déménager au château de « La Verpillère » à Saint-Symphorien-de-Lay car les alertes se succèdent et les élèves passent de plus en plus de temps dans les caves. Ce n’est qu’après le départ des troupes allemandes en août 1944 que tout le monde réintègre les locaux de Roanne. Signalons au passage, que l’école de la Charité a été un haut lieu de la Résistance luxembourgeoise en France. De nombreux juifs trouvent également refuge dans cette école. Le Pensionnat reçoit la Légion d’honneur au titre de la Résistance ainsi que la médaille de la Résistance du Gouvernement Grand-Ducal.

À la fermeture du Pensionnat des Minimes en 1974, la plupart des élèves rejoignent l’Immaculée Conception. En 1980, le Pensionnat prend le nom de « Collège école Sainte-Marie » et à la rentrée de 1992, la mixité devient effective. En juin 1999, la Charité ferme ses portes et rejoint l’établissement Saint-Paul.

Fort heureusement les bâtiments sont sauvegardés suite à leur rachat. L’Association diocésaine installe le Centre d’Archidiaconé dans une partie des bâtiments et sauve la chapelle de la destruction. Dans les autres locaux, un promoteur immobilier aménage des logements et des bureaux et crée un parking dans la cour ce qui permet d’obtenir une belle vue sur la chapelle. Voici une excellente nouvelle pour le patrimoine local !


Internat municipal annexé au Lycée National de Jeunes Filles

Sur la demande de l’inspecteur d’académie, le conseil municipal accepte, le 10 novembre 1879, de créer un cours d’enseignement secondaire pour les filles. Après divers lieux proposés, la ville saisit l’opportunité d’acquérir la belle propriété bourgeoise de Mme veuve Chaverondier qu’occupait la filature installée par son époux. Ce château se situe entre le boulevard du Midi (Jules Ferry) et la rue Brison. Ainsi en 1882, Ce cours secondaire se transforme en collège avec un internat.

Le 19 juillet 1883, un traité est signé entre l’Etat et la Ville de Roanne pour la création d’un des premiers lycées de jeunes filles de France, connu de nos jours sous le nom de Jules Ferry. L’établissement, qui comprend les classes primaires et les cinq années de classe secondaire, ouvre officiellement le 12 octobre. C’est une aubaine pour les demoiselles de la région environnante qui, auparavant, n’apprenaient ni l’écriture ni la lecture et cette ignorance les destinait à un avenir bien modeste.

Le bâtiment, construit dans des conditions remarquables d’hygiène et de salubrité, peut recevoir cent élèves. Les locaux (dortoirs, salles d’études, réfectoires) sont vastes et bien aérés, les cours de récréations très spacieuses et tout est prévu pour assurer le bien-être et la santé des enfants. La façade rivalise de splendeur au milieu de ce grand parc et s’intègre parfaitement au sein des superbes usines alentours.

Le règlement intérieur est strict, les tarifs sont élevés et le trousseau réclamé aux jeunes filles est important. En plus, un uniforme confectionné sur mesure est obligatoire. Il se compose d’une robe en laine noire, d’un manteau de la même couleur, d’un chapeau de feutre pour l’hiver et un de paille pour l’été. Un prospectus très flatteur remis aux futures élèves permet de découvrir les bâtiments dans toute leur somptuosité. (2 T²-1-(4))

L'internat municipal annexé au Lycée National de Jeunes Filles de Roanne - © memo-roanne.fr

Les élèves peuvent recevoir la visite de leurs parents uniquement, au parloir ouvert les mardis, jeudis et dimanches de 12 h 30 à 14 h. Le premier dimanche du mois, une sortie générale a lieu de 10 h à 19 h 30. Des sorties extraordinaires peuvent être accordées aux élèves dont la conduite et l’application sont très satisfaisantes. Des salles de bain installées dans l’internat restent à la disposition des élèves chaque fois que l’administration le juge utile. L’alimentation servie aux pensionnaires reste de première qualité. Les menus sont établis par l’économe, approuvés par le médecin et arrêtés par la sous directrice qui a la charge du personnel et de l’internat. À la fin des études, les serviettes de table et de toilette, fournies au départ par les familles, deviennent propriété du service de l’infirmerie. Chaque année scolaire se termine par la distribution des prix, un évènement très attendu. La Médiathèque possède dans ses archives, le discours pronooncé le 31 juillet 1884, lors de la remise aux cours secondaires de jeunes filles du collège de Roanne. (2 T²-1 (3) - CP 1 G/9).

Cette école n’échappe pas au destin et se transforme, elle aussi, en Hôpital militaire pendant la grande guerre de 14-18 (CP 1 G/10 - 1 G/4) où l’on accueille un groupe de jeunes filles venues de Serbie, pays allié de la France. Simone Weil, la philosophe, a enseigné pendant l’année scolaire 1933-1934. Un des pavillons porte son nom, malheureusement détruit depuis. Lors de la deuxième guerre mondiale, l’établissement connaît de grandes difficultés d’approvisionnement, beaucoup d’inscriptions sont refusées, des enseignantes sont mutées et certains locaux sont réquisitionnés pour hospitaliser les soldats.

Dans les années 80, de grandes modifications sont réalisées. En 1987, le lycée se nomme dorénavant « Lycée-Collège Jules Ferry ». À partir des années 2000, certaines écoles de Roanne fusionnent et l’école Jules Ferry opte pour la construction de nouveaux bâtiments contemporains. Le château Chaverondier est isolé de l’enceinte de l’école et rendu à la ville. Le coût de rénovation jugé trop élevé, il est actuellement en vente dans l’attente d’un éventuel acquéreur…