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Roanne, ville de garnison

Carte postale montrant des soldats devant la caserne Werlé

I. Avant les casernes

Ce fut dans la seconde moitié du XVIIe siècle que Vauban conçut le projet d’édifier des constructions destinées uniquement au logement des soldats. L’intérêt était de libérer les villes des lourdes charges que leur imposait le logement des troupes et de délivrer les habitants des vexations des soldats.

« Le passage des troupes de Sa Majesté est le plus grand fléau de ce pays » Vauban

Il fallut attendre  la moitié du XVIIIe siècle pour que les villes de l’intérieur  soient pourvues de maisons à la Vauban ou de casernes. Ce projet ne fut d’abord appliqué qu’aux villes frontalières.

Jusqu’à cette époque, les soldats utilisaient le billet de logement qui était un acte administratif, délivré par le maire de la commune, enjoignant un habitant de cette commune de loger des militaires de passage, et parfois leurs chevaux. Il pouvait aussi les obliger à les nourrir et à les entretenir. Il permit ainsi à des militaires d'être logés temporairement si la ville ne disposait pas de caserne pour les accueillir. Cette pratique valait aussi en temps de paix, lors des manœuvres.
Utilisés avant 1790 pour les Gardes-françaises et les Gardes suisses qui tenaient garnison à Paris, il fut très utilisé pour réquisitionner les logements pour les nombreux mercenaires étrangers de l'armée napoléonienne qui avaient « un nom à coucher dehors », d'où l'expression « à coucher dehors avec un billet de logement ».

Cette pratique n'était pas spécifiquement française : elle s'observait dans d'autres pays.

Par contre le faux billet de logement était un moyen ingénieux pour un faux militaire de pénétrer dans l'intimité d'une famille (c'est-à-dire pour un amant de rejoindre son aimée chez elle). Cet artifice était utilisé notamment dans Le Barbier de Séville (1775), la comédie bien connue de Beaumarchais.

Roanne, sous l’Ancien Régime n’était alors qu’un gros bourg, mais aussi un lieu de passage grâce au « grand chemin » de Paris à Lyon qui le traversait. Il fut décidé si possible, d’affecter en 1710 des bâtiments spéciaux pour le logement des troupes. En attendant des constructions neuves, les dépendances du palais Ducal, l’auditoire de justice, et la prison furent désignés pour accueillir les troupes. Aussi, pendant plus d’un quart de siècle (1706-1735), le vieux palais Ducal abrita la maréchaussée,  les gens d’armes du roi et les nombreuses troupes qui traversaient  Roanne.

Finalement vers 1740, l’administration militaire acheta un vaste terrain, situé en bordure de la grande route de Paris à Lyon et proche de l’ancienne porte de Paris. Un mur d’enceinte fut construit tout autour et on creusa les fondations des futures casernes, mais on arrêta les travaux faute de ressources. Les futures casernes devaient rester longtemps en cet état. Les églises et les couvents devenus Biens Nationaux par la volonté des Jacobins suffisaient à loger les troupes. Le Directoire utilisa le terrain des casernes comme parc d’approvisionnement  militaire. Il  fut transformé en parc à bestiaux destinés aux armées, puis d’entrepôt de charrettes qui une fois chargées, transportaient aux frontières les vivres et munitions destinés aux soldats. Sous l’Empire, on ne fit que restaurer le mur d’enceinte et consolider les guérites de pierre en forme d’échauguettes, qui flanquaient les angles. Deux sont encore visibles aujourd’hui, à l’arrière du bâtiment universitaire en brique  et de la Médiathèque. Sous Louis XVIII, on décida d’établir dans notre ville « un magasin d’armes ». Des plans et devis furent dressés, mais le ministre de la guerre renonça à ce projet.

Une partie du panorama Geoffray montrant les murs de la caserne

Carte postale présentant de l’intérieur de la caserne Werlé

II. la Caserne Werlé (1874-1951)

Le conseil municipal du 18 septembre 1824 souhaita « que l’emplacement des casernes commencées route de Paris ne soit pas vendu, que ces casernes soient construites et qu’en attendant ce bail lui en soit continué au prix de 100 francs ». Les choses en restèrent là jusqu’en 1841. La ville continua à jouir du terrain de la route de Paris jusqu’en 1873, date de la construction des casernes actuelles. Leur inauguration eut lieu le 27 mai 1874. L’administration militaire donna à la nouvelle construction le nom de caserne Werlé.

Une plaque de marbre placée dans la salle d’honneur, apprenait aux jeunes recrues que ce nom est celui du baron François-Jean Werlé, né à Soultz (Haut Rhin) en 1763. Lieutenant au premier bataillon du Haut Rhin, adjudant général, général de brigade, tué à la bataille d’Albuféra en 1811, il fut  soldat des guerres de la Révolution et de l’Empire.

Cette caserne accueillie des militaires du 139e RI stationné au camp de Pont du Château (Puy de Dôme), devenu par la suite le 98e RI et qui fut photographié par Feugère

Le bâtiment en brique, qui demeure encore aujourd’hui, fut désaffecté après la Première Guerre Mondiale et servie de local associatif, et administratif. En octobre 1978 une partie de l’édifice fut affecté à l’antenne universitaire Jean Monnet de Saint Etienne et changea de nom pour devenir le centre Pierre Mendès France. Depuis 2006, après d’importants travaux  tous les bâtiments sont affectés à l’université de Roanne et en partie à l’IUT.

Enfin, le 11 novembre 2019, une borne contenant de la terre de Verdun a été déplacée de la place Verdun au campus, ce monument commémoratif est en souvenir des soldats du 98eRI, du 298eRI et du 104e RI tombés lors de la Première Guerre Mondiale.

III. La Caserne Combe

Le mouvement industriel ne fit que grandir, et en moins de vingt ans, de 1874 à 1890, il doubla presque la population de notre cité. Devant un pareil accroissement, la municipalité demanda l’augmentation de la garnison, en s’engageant à construire de nouveaux bâtiments. Après études, enquêtes et démarches, en 1906 de nouvelles casernes allaient occuper l’ilot compris entre le boulevard de la liberté, la rue Etienne-Dolet et les routes de Charlieu et de Briennon ; elles seraient donc peu éloignées des anciennes.

La caserne Combe tient son nom du colonel Combe, forézien d’origine, faisant partie de l’expédition mise sur pied par Louis Philippe, en 1837, pour occuper Constantine et venger l’échec qu’avait subi l’armée française l’année précédente. Lors de l’assaut victorieux du 13 octobre, le colonel fut atteint de deux balles en pleine poitrine. Une statue, sculptée par Foyatier en l’honneur du colonel a été élevée dans sa ville natale Feurs.

La caserne, localisée rue Etienne Dolet, est située dans le quartier de la Livatte, entre la rue de la Livatte et la rue de Charlieu. Sa construction s’étend de 1906 à 1909. En 1912, on inaugura la caserne. Elle fut occupée  par des régiments de 1909 à 1951. Elle a été successivement affectée au 121e RI de 1909-1913 et  à un bataillon du 38e RI jusqu’en 1940. Le 11 nov. 1942, lors de l’occupation par l’Allemagne de la zone sud, elle fût réquisitionnée pour y loger les troupes allemandes. A la libération en août 1944 elle fut occupée par les FFI qui cédèrent leur place au 1e régiment de Tirailleurs marocains, puis au 8e Hussard et au 8e Chasseurs d’Afrique. Elle était composée de quatre bâtiments susceptibles d’accueillir un régiment complet. La caserne Combe était  l’une des plus modernes de tout le centre de la France. On songeait déjà à cette époque à y loger la gendarmerie. Mais il fallut attendre 1980, pour que  la caserne soit rasée et remplacée par 34 bâtiments où seront logées la garde mobile et la Gendarmerie nationale. En 1946, elle abrita également  la Sécurité Sociale.

Carte postale de la nouvelle caserne Combe

Carte postale au départ du 104e Régiment d’Infanterie le 27 septembre 1914

IV- la « caserne » Déchelette

Moins connue, cette troisième caserne était bâtie sur Roanne, entre la route de Briennon et le boulevard d’Arras. Appelé quartier Déchelette, elle était occupée par un peloton de la garde mobile républicaine. L'appellation « quartier » désignait un « casernement » emprunté aux chasseurs alpins. Il  s'est généralisé à d'autres corps de l'armée de terre française. Dans le vocabulaire militaire, le quartier est constitué par l'ensemble des bâtiments, hangars, lieux de travail et de vie d'une unité militaire. Généralement, il est clôturé, ses accès sont gardés et filtrés au poste de garde par les personnels de service.

Il porte souvent le nom d'un illustre militaire de l'arme à laquelle il appartient. Ici on peut supposer qu’il s’agit de Joseph Déchelette, archéologue célèbre, né le 8 janvier 1862 à Roanne et mort pour la France le 3 octobre 1914 à Vingré (Aisne).

En 1938, l’Etat prévoit la construction de bâtiments afin d’accueillir deux pelotons à cheval et un état-major de compagnie de la garde républicaine mobile. Pour avoir une idée de la taille des bâtiments, il faut savoir qu’un peloton correspond à 1 ménage d’officier, 36 ménages de gardes, 4 célibataires et 41 chevaux. Le projet comportait différents espaces réservés aux militaires de part et d’autre du boulevard d’Arras. La construction devait être financée par l’Etat sur des terrains appartenant au domaine militaire, la participation de la Ville de Roanne, entérinée par une convention, prévoyait l’installation des adductions d’eau,  la gratuité de fourniture d’eau pendant la durée de la convention (votée le 28 mai 1938) et certains travaux de voirie (délibération du 9 juillet 1938). D’après les conventions de fourniture d’eau, l’achèvement des travaux se situe en 1940.

Elle abrita également la CRS 34, avant de devenir la résidence Beauséjour, allée de Vauquois, lotissement géré par Orphéor.

Roanne fut ville de garnison  de 1873 à 1946. En 1951, le départ  définitif du 8e régiment de Chasseurs d’Afrique marque la fin des casernes. Depuis les bâtiments ont été soit détruits soit attribués à d’autres fonctions. La fin du service militaire a accéléré cette disparition sur l’ensemble du territoire. Nous ne voyons plus aujourd’hui les soldats arpenter nos rues.