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« D comme Déchelette »

I - Un lieu : la place Sainte-Elizabeth

La place Sainte-Elizabeth aujourd’hui place du Marché, a été créée après la Révolution à l’emplacement du jardin du couvent du même nom. Celui-ci a été fondé en 1634 et achevé de construire en 1658 par les Dames de Sainte-Elisabeth, religieuses franciscaines. Il longeait la rue Maréchal Foch, côté place du Marché. Pour subvenir à leurs besoins, les religieuses se consacrèrent à l’éducation des jeunes filles et aux soins des personnes âgées. A son achèvement, le couvent était occupé par quarante-six religieuses mais n’en comptait plus que trois, lorsqu’en 1790, il fut déclaré bien national.

La Ville de Roanne l’ayant acquis, elle y installa d’abord des halles et sa mairie, puis le couvent abrita une fonderie, une fabrique de monnaie, et servit de casernement aux prisonniers autrichiens sous le premier Empire. Acheté par l’avocat Barbier pour une bouchée de pain, alors que les bâtiments se trouvaient en état de délabrement, il fut revendu en lots séparés. Quelques restes sont noyés dans les constructions situées entre la rue Maréchal Foch et la place du Marché. Quelques arcades de cloître sont visibles au fond de l’allée du n°9. Des ossements humains ramenés à la surface du sol à l’occasion de la pose d’égouts et de l’installation d’un transformateur souterrain, sembleraient indiquer qu’à une certaine époque on y a inhumé des religieuses.

Cette place fut rebaptisée place du Marché-Neuf, à partir du 15 juillet 1822, date à laquelle un marché y fut transféré. Auparavant, ce dernier encombrait la rue Bourrassière et le parvis de l’église Saint-Etienne. Avec le temps, ce nom s’est simplifié en place du Marché. Jusqu’à la Grande Guerre, s’y sont tenus des marchés dans la boue ; le sol ne fut dallé qu’après la construction de l’abri couvert du Champ de Foire situé Boulevard de Belgique.

La place a bénéficié d’un réaménagement en 2012 sans rien perdre de son charme, bordée de maisons remarquables dont le « château Déchelette » du nom d’une famille roannaise illustre.

II - Une famille : les industriels Déchelette

Benoît Déchelette (1816-1888) se marie en 1845 avec Charlotte Despierres (1826-1919). En 1855 la famille Déchelette, originaire de Montagny, s’installe à Roanne où le patriarche achète des parcelles place du Marché. Dans le jardin de l’hôtel qui rejoint la rue Bourrassière (actuelle rue Charles de Gaulle) et la rue du Coq, il fait construire des locaux servant de bureaux et de magasins pour ses affaires et fonde la maison Déchelette-Despierres spécialisée dans le tissage de cotonne à la main. En 1869, Benoît Déchelette commande en Suisse les premiers métiers à tisser mécaniques, qu’il installe dans les locaux de la place du Marché, tout en continuant à faire fabriquer à façon chez les tisserands de la région. L’affaire prospérant, il lance le projet de l’usine d’Amplepuis.

Le grand immeuble voisin de style Louis XVI, qui constitue l’angle de la place du Marché et de la rue du Coq, fut érigé par Eugène, le fils aîné. Un balcon en fer forgé orne sa façade. Eugène Déchelette est né en 1846. C’est une figure emblématique de l’industrie textile à Roanne. Il s’occupe des achats et de la production dans les locaux de la place du Marché qu’il transfère ensuite au 133-137 boulevard Baron du Marais.

Son frère, Joseph Déchelette, reste certainement le plus illustre de la région. Il nait en 1862, au 18 rue Bourrassière, comme l’indique son acte de naissance. Il entre dans la maison familiale et s’occupe principalement de la branche commerciale. Mais en 1899, il quitte la société pour se consacrer à sa passion, l’archéologie. Eugène dirige alors seul l’entreprise. A sa mort en 1906, Joseph revient pour assurer l’intérim à la tête de l’entreprise jusqu’en 1909, date à laquelle il la confie à son neveu Victor Déchelette, fils d’Eugène. Engagé volontaire, Joseph meurt pour la France à Vingré, près de Soissons en 1914.

III - Une maison : au n°16 de la place du Marché

Suite à l’achat de parcelles entre la rue Bourrassière et la place du Marché, Benoît Déchelette fait construire, au n°16, un bel hôtel particulier de deux étages en 1884. Cette bâtisse en pierre jaune de St-Maurice-Châteauneuf (village situé à 30 km de Roanne), est dans le style Renaissance. Il est réalisé sous la direction de l’architecte Paszkowicks.

Le « château Déchelette » est reconnaissable à son toit en tuiles vernissées colorées. En façade, au 1er étage, un balcon dont les losanges ont été martelés, (sans doute parce que le calcaire s’effritait) et que l’on retrouve en dessous et de chaque côté de la façade, à la verticale cette fois. Au centre, le «D» du propriétaire encadré de deux dragons qui se font face et, au-dessus des fenêtres du deuxième étage, la date de la construction : «AD MDCCCLXXXIV» : ANNO DOMINI 1884.- en l’année du Seigneur 1884-.

Au-dessus du portail, un mascaron en forme de tête de faune, couramment utilisé à la Renaissance tandis que, de chaque côté deux têtes de lion surmontent les arrondis de fenêtres, symbole de puissance. A droite et à gauche de ces têtes, une coquille St Jacques.

Au sommet de la façade, un pinacle surmontant une fenêtre au-dessus de laquelle brille un demi-soleil, pinacle flanqué de petites arcades soutenues par des colonnettes avec, de chaque côté, une fenêtre mansardée.

Dans la cour, on peut admirer huit fenêtres à meneaux encadrées par deux tours symétriques. De chaque côté de cette cour, sept arcades avec une porte à fronton triangulaire ; sur le côté gauche, ce même fronton surmonte une ancienne fontaine.

Au sol, lors du réaménagement de la place, le motif des tuiles vernissées est reproduit au pied du bâtiment en miroir.